J’avais 13 ans (j’en ai 14 aujourd’hui) ; à cet âge, j’étais plutôt du genre voyou, et au moment de ce récit, j’étais en train d’harceler un pauvre enfant à l’école.
Alors que je m’éloignais de lui, des garçons sur le terrain de rugby voisin ont donné un coup de pied dans un ballon, et celui-ci m’a heurté au niveau de la tempe. Je me suis alors écroulée sur le sol ; j’avais l’impression d’être inconsciente, mais j’arrivais à voir les personnes autour de moi. J’ai entendu un professeur hurler « Elle saigne ! Vite, que quelqu’un appelle les secours ! ». Tout tournait autour de moi, et soudainement, j’ai eu l’impression d’être attirée vers le haut, je me sentais légère comme une plume.
Lorsque j’ai levé les yeux, le ciel était noir, rempli de nuages gris. J’ai alors regardé en bas, et j’ai vu du feu, comme si j’étais au-dessus d’un volcan entouré de ténèbres. J’entendais des cris, et lorsque j’ai regardé plus attentivement dans le brasier, j’ai vu des gens, qui se tenaient debout en pleurant et en criant ; ils s’agitaient comme s’ils brûlaient, mais ils ne brûlaient pas.
Je reconnaissais certains d’entre eux : je voyais un vieil homme qui vivait dans ma rue et s’était suicidé. Je voyais également certains de mes anciens amis qui étaient décédés lors d’une collision entre un car et une voiture. Ils criaient mon nom ; j’ai d’ailleurs entendu l’un d’eux dire : « Jenny, ne viens pas ici, si tu viens, tu n’auras aucune échappatoire ! ».
Je continuais à fixer ce feu, mes sentiments s’entremêlaient, et j’étais vraiment effrayée. Je me sentais triste pour toutes les personnes que je voyais, ils semblaient traverser une telle douleur, une telle solitude.
C’était déchirant, je savais qu’il y avait des millions d’âmes dans ce brasier, mais je ne voyais que les personnes que je connaissais. J’avais l’impression d’être paralysée, incapable de détourner le regard.
J’ai alors soudainement réalisé que c’était l’enfer. Il n’y avait pas de vie, seulement de la souffrance. J’ai donc crié, et tenté de les aider, jusqu’à ce que je lève à nouveau les yeux vers ce ciel sombre et nuageux.
J’entendais toujours les cris, qui m’appelaient et pleuraient, quand soudainement, j’ai vu les nuages s’éloigner, comme si j’étais tirée en arrière.
Lorsque j’ai repris conscience que je pouvais ouvrir mes yeux, j’ai réalisé que j’étais à l’hôpital. Mon meilleur ami, mon professeur, et mes parents étaient là. J’ai compris qu’on m’avait donné une deuxième chance.